TMS : comment les prévenir efficacement en entreprise ?

10 juin 2025

Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont aujourd’hui la première cause de morbidité liée au travail ainsi que la première cause des maladies professionnelles indemnisées, selon Santé Publique France[1]. Affectant chaque année des milliers de salariés, les TMS ont des conséquences à la fois sur leur santé – douleurs chroniques, fatigue, anxiété – et sur la performance des entreprises, fragilisées par les arrêts de travail, la désorganisation et la baisse de productivité. Tour d’horizon des leviers disponibles et des bonnes pratiques à mettre en place pour prévenir les TMS.

 

Les TMS : une urgence de santé au travail

 

Les TMS regroupent « un ensemble de maladies localisées au niveau ou autour des articulations », tels que les poignets, les coudes, les épaules, les rachis ou encore les genoux, précise le ministère du Travail, de la Santé, de la Solidarité et des familles. Ils concernent ainsi « les muscles, tendons et gaines tendineuses, les nerfs, les bourses séreuses, les vaisseaux sanguins, les articulations, les ligaments, à la périphérie des articulations des membres supérieurs, de la colonne vertébrale et des membres inférieurs » [2].

Les TMS surgissent souvent en raison de gestes répétitifs, de postures contraignantes ou prolongées ou encore de ports de charges lourdes. D’autres facteurs, tels que le stress ou une cadence trop rapide peuvent également être à l’origine de TMS. Ils peuvent entraîner des douleurs durables, comme une perte de mobilité ou des incapacités temporaires ou permanentes. En 2021, trois femmes sur cinq et un homme sur deux déclaraient des douleurs liées aux TMS, selon le Baromètre de Santé publique France[3].

Aucune entreprise n’est épargnée par les TMS : si les secteurs de l’industrie manufacturière, du bâtiment ou encore de la santé sont plus à risque[4], les métiers de bureau, en apparence moins physiques, ne sont pas en reste. En effet, le travail sur écran prolongé, sans pause ou variation de posture, peut aussi générer des douleurs chroniques.

Les TMS représentent 88 % des maladies professionnelles reconnues, selon Santé publique France, avec 44 492 cas recensés en 2019[5].  En parallèle des conséquences sur la santé des collaborateurs, les conséquences économiques pour l’entreprise ne sont pas négligeables : absentéisme, turnover, désorganisation des équipes, baisse de productivité… Selon l’Assurance Maladie, le coût annuel direct des TMS s’est élevé à près de deux milliards d’euros pour les entreprises ces dernières années[6]. D’où l’importance d’une démarche de prévention active, en amont de l’apparition des symptômes.

 

TMS, quelles sont les obligations de l’employeur ?

 

La prévention des TMS s’inscrit dans une obligation générale de sécurité, inscrite dans le Code du travail (articles L.4121-1 à L.4121-5) : toute entreprise doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Cela implique non seulement de réduire les risques identifiés, mais aussi de les anticiper. Les TMS, doivent ainsi faire l’objet d’une prévention active, au même titre que tout autre risque professionnel.

Le principal outil réglementaire à disposition des entreprises est le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Obligatoire dès l’embauche du premier salarié, il doit recenser l’ensemble des risques présents dans l’entreprise, et proposer un plan d’actions correctives.

 

Les outils à disposition des entreprises

 

Pour prévenir les TMS, les entreprises disposent de nombreux outils, pour agir concrètement, adapter les conditions de travail et protéger durablement la santé des salariés.

 

  1. Consulter les ressources existantes pour une démarche de prévention efficace

De nombreuses fiches pratiques et supports pédagogiques sont disponibles via l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), les Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) ou encore l’Assurance Maladie. Ces outils permettent de mieux comprendre les mécanismes des TMS, de sensibiliser les équipes et de mettre en place des actions ciblées. Ils sont une base précieuse pour les responsables RH.  D’abord afin de mieux comprendre ce que sont réellement les TMS, et ensuite pour les intégrer dans des parcours de prévention ou des modules de formation sécurité, afin de sensibiliser directement les collaborateurs concernés.

 

  1. Aménager des postes de travail plus ergonomiques

Avant de proposer de nouvelles méthodes de travail, il est intéressant de recueillir les retours d’expérience des collaborateurs, afin d’identifier leurs besoins. Parmi les aménagements pouvant être mis en place pour prévenir l’émergence de TMS :

  • L’utilisation de dispositifs d’aide à la manutention (lève-personnes, rails, sangles) pour limiter les efforts lors des manipulations de charges ou de personnes ;
  • la mise à disposition de plans ou de surfaces de travail réglables en hauteur, pour permettre l’adaptation à la morphologie des salariés ;
  • le recours à du matériel roulant adapté (chariots ergonomiques, diables) pour limiter les efforts de poussée ou de traction ;
  • l’installation de sièges ergonomiques et de repose-pieds, etc.

 

  1. Adapter l’organisation du travail

Les TMS ne relèvent pas seulement de la posture ou du geste : l’organisation du travail a un rôle déterminant. Une tâche répétée sans alternance, des délais restreints ou des horaires rigides augmentent la charge physique et mentale. Des actions simples peuvent être mises en place, comme :

  • varier les tâches dans la journée ;
  • prévoir des pauses actives de quelques minutes régulièrement dans la journée de travail ;
  • planifier les charges de travail de manière équilibrée, etc.

 

La prévention des TMS, une démarche collective

 

La prévention des TMS ne peut pas reposer que sur une seule personne ou un service. Elle nécessite une mobilisation coordonnée : chacun, à son niveau, joue un rôle pour créer un environnement de travail plus sûr.

 

Donner l’impulsion : le rôle de la direction

 

L’implication de la direction est un facteur clé de succès : c’est à l’employeur qu’il revient d’inscrire la prévention des TMS dans la stratégie globale de l’entreprise, de dégager des moyens, de fixer des priorités. La direction peut, par exemple, inscrire la prévention des TMS dans un plan d’action annuel.

 

Structurer la démarche : les ressources humaines en première ligne

 

Les services RH ont un rôle essentiel dans la prévention des TMS. Ils évaluent les risques, organisent des formations internes, gèrent les situations individuelles. Pour les RH, une bonne pratique de prévention peut être l’intégration des critères de pénibilité physique dans les entretiens de suivi professionnel, afin d’identifier les situations à risque.

 

Les managers de proximité : les premiers témoins

Les managers jouent également un rôle essentiel :

  • en repérant les signaux faibles (plaintes de douleurs, fatigue inhabituelle, etc.) ;
  • en faisant remonter les besoins (demandes d’adaptation, suggestions d’aménagements) ;
  • en adaptant l’organisation (rotation des tâches, ajustement des plannings, etc.).

 

Les services de santé au travail : accompagner et conseiller

 

Médecins du travail, infirmiers, ergonomes ou intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) peuvent accompagner l’entreprise :

  • dans l’analyse des situations à risque ;
  • dans la proposition d’aménagements concrets ;
  • dans le suivi des salariés exposés ou fragilisés.

 

Les salariés : premiers concernés, premiers acteurs

 

Les collaborateurs eux-mêmes sont les mieux placés pour identifier ce qui, dans leur quotidien, génère des douleurs ou de l’inconfort. Les sensibiliser, les écouter et les impliquer dans la recherche de solutions concrètes est ainsi essentiel pour une prévention durable.

Face à l’enjeu croissant des TMS, la prévention ne peut plus être une option. En agissant en amont, les entreprises peuvent réduire significativement l’émergence de ces troubles. Et investir dans la santé des collaborateurs, c’est aussi investir dans la performance durable de l’organisation !

[1] « Troubles musculo-squelettiques en France : où en est-on ? », Santé Publique France, 27/03/2024.

[2] « La prévention des troubles musculo-squelettiqus (TMS) », travail-emploi.gouv.fr, 31/03/2010, mis à jour le 07/06/2023.

[3] « Troubles musculo-squelettiques en France : où en est-on ? », Santé Publique France, 27/03/2024.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] « Les TMS : définition et impact », ameli.fr, 27/02/2025.

Le mot du pro

Yann Thomas

Quelle est la situation des TMS aujourd’hui ?

Les troubles musculosquelettiques (TMS) restent un enjeu majeur de santé au travail. De nombreux indicateurs permettent d’évaluer le niveau de risque : douleurs aux articulations (membres et dos), facteurs de risque identifiés sur le terrain, ou encore les ressentis des salariés, de l’encadrement et des représentants du personnel.

Selon l’Assurance Maladie – Risques professionnels, les TMS sont principalement recensés à travers les déclarations de maladies professionnelles (tableaux 57, 79, 97 et 98), mais aussi via certains accidents du travail, comme les lombalgies ou les tendinites, qui laissent des douleurs persistantes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • Les TMS représentent plus de 85 % des maladies professionnelles reconnues.
  • Leur nombre ne cesse d’augmenter depuis 2010.
  • Environ 20 à 25 % des accidents du travail avec arrêt sont liés à des douleurs musculosquelettiques. Les secteurs les plus touchés sont la santé, l’aide à la personne, le BTP, la logistique, l’agroalimentaire, la grande distribution et le nettoyage industriel.

Comment engager une démarche de prévention des TMS en tant qu’employeur ?

La prévention des TMS s’intègre dans une démarche globale d’évaluation des risques professionnels, formalisée par le Document Unique (DUERP).

Concrètement, il faut :

  • identifier les facteurs de risque TMS présents dans l’entreprise,
  • les évaluer, puis
  • mettre en place un plan d’action adapté, actualisé régulièrement.

Cette démarche repose souvent sur :

  • une approche pluridisciplinaire et transversale,
  • des analyses ergonomiques des postes,
  • un accompagnement au changement dans les organisations de travail.

 

Les TMS et les RPS sont-ils liés ?

Oui, les troubles musculosquelettiques (TMS) et les risques psychosociaux (RPS) sont souvent étroitement liés. Ils peuvent même s’alimenter mutuellement dans un cercle vicieux. Par exemple :

  • Des douleurs articulaires peuvent générer du stress,
  • Ce stress peut accentuer les tensions physiques (postures rigides, fatigue),
  • Ce qui aggrave les douleurs… et le mal-être au travail.

La clé d’une prévention efficace repose donc d’abord sur la prise de conscience de ces liens, pour ensuite pouvoir adapter les postes de travail et, si besoin, faire évoluer l’organisation.