Ménopause : un enjeu de QVCT et d’égalité professionnelle

21 octobre 2025

En France, 57,3 % des femmes âgées entre 55 et 64 ans travaillent, selon une enquête de la Dares[1]. À cet âge, beaucoup traversent la périménopause ou la ménopause. Des étapes naturelles, mais marquées par des troubles physiques et psychiques susceptibles d’affecter leur quotidien – personnel et professionnel. Ces changements interviennent souvent à un moment charnière de la carrière, où les responsabilités peuvent être intenses. Pourtant, cette réalité reste largement absente des politiques RH et des démarches de qualité de vie au travail (QVT). Un angle mort, qui mériterait une attention accrue, afin de garantir un environnement de travail réellement inclusif à toutes les étapes de la vie.

 

Avant la ménopause, les femmes traversent une période de transition appelée périménopause, qui débute en moyenne autour de 47 ans[2]. Cette phase de fluctuation hormonale peut être marquée par des cycles irréguliers et l’apparition des premiers symptômes. La ménopause intervient généralement deux à quatre ans plus tard, en moyenne à 51 ans[3].  Elle se définit par l’arrêt des menstruations depuis au moins douze mois. Les symptômes apparus pendant la périménopause peuvent alors s’intensifier, changer ou encore se prolonger pendant plusieurs années.

 

Une période qui altère les conditions de travail

 

Ces manifestations physiques ou psychiques peuvent altérer la qualité de vie au travail. Selon une étude réalisée par OpinionWay, 87 % des femmes ménopausées ont déjà ressenti une gêne au travail à cause de symptômes liés à la ménopause. Parmi eux : des bouffées de chaleur, de la fatigue, des troubles du sommeil et de l’humeur, des douleurs articulaires et musculaires, des maux de tête, des difficultés de concentration, des troubles urinaires, ainsi que des palpitations cardiaques. Un quart des femmes concernées dissimulent ces symptômes au travail, par peur d’être discriminées[4].

En outre, la ménopause arrive à un moment où les femmes atteignent une certaine maturité professionnelle, avec des emplois du temps souvent chargés et des responsabilités élevées. En parallèle, la charge mentale reste importante : si les enfants commencent à quitter le foyer, d’autres rôles prennent le relai, comme le soutien à des parents en perte d’autonomie. Ce cumul peut accentuer la fatigue ou le stress et jouer sur l’absentéisme, la performance ou encore la satisfaction au travail.

 

Un sujet encore largement absent des politiques RH ?

 

Si 66 % des femmes ménopausées estiment qu’il est légitime d’aborder le sujet dans le cadre professionnel, plus de la moitié déclarent pourtant n’en parler à personne selon OpinionWay[4]. La ménopause semble ainsi rester un sujet tabou dans l’entreprise, en grande partie parce qu’il est peu reconnu et pris en compte dans les politiques RH. Sans cadre clair, sans message de soutien, les femmes hésitent à en parler, de peur d’être jugées, mal comprises ou perçues comme moins performantes. Une invisibilisation problématique, qui maintient une forme d’inégalité professionnelle. À l’instar de la grossesse ou du retour de congé maternité, la ménopause doit faire l’objet d’un accompagnement adapté, afin de permettre aux femmes de poursuivre leur quotidien professionnel dans de bonnes conditions, tout en limitant les effets indirects sur leur carrière.

 

Quelles pistes d’action pour les employeurs ?

 

La prise en compte de la ménopause dans le monde professionnel ne relève donc pas seulement de la bienveillance ou de la prévention santé : elle s’inscrit pleinement dans une démarche de QVCT. Plusieurs leviers concrets peuvent être mobilisés par les employeurs, quel que soit le secteur d’activité ou la taille de l’entreprise.

QVCT et ménopause : quels liens ?

La QVCT est définie dans l’Accord national interprofessionnel (Ani) du 9 décembre 2020, qui complète celui du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail. L’objectif : construire «une organisation de travail favorable à la fois à la santé des personnes et à la performance globale de l’entreprise».
La prise en compte de la ménopause s’inscrit pleinement dans cette logique, en intégrant les besoins liés aux différentes étapes de la vie dans l’organisation du travail.

Informer

Premier enjeu : l’information. Mieux comprendre les effets possibles de la périménopause et de la ménopause est essentiel pour déconstruire les idées reçues et permettre le dialogue. Intégrer ce sujet dans les actions de sensibilisation déjà existantes (autour de la santé, du bien-être ou de la diversité) permet de rendre visible cette problématique, sans stigmatiser. Un accompagnement spécifique pourrait également être proposé, en lien avec la médecine du travail, afin que les femmes concernées disposent des bonnes informations.

 

Former

Deuxième levier : la formation des managers et des équipes RH. Savoir repérer les signaux faibles, écouter sans juger : ces compétences relationnelles sont clés pour permettre aux femmes concernées de s’exprimer dans un cadre de confiance.

 

Adapter l’organisation du travail

En parallèle, des ajustements simples des conditions de travail peuvent faire une réelle différence : horaires plus souples, accès facilité au télétravail, possibilité de s’isoler brièvement… Ces aménagements illustrent la volonté de l’entreprise de faire évoluer les pratiques au quotidien.

La périménopause et la ménopause font partie des transitions de vie qui peuvent affecter la trajectoire professionnelle. Ignorer ses effets, c’est maintenir une forme d’inégalité silencieuse. En intégrant ce sujet dans les politiques RH, les entreprises peuvent non seulement améliorer la qualité de vie au travail, mais aussi favoriser une meilleure équité entre les femmes et les hommes. Elles renforcent également leur capacité à accompagner les parcours professionnels tout au long de la vie, et participent ainsi à construire une entreprise plus responsable – et respectueuse de tous.

 

[1] « Les seniors sur le marché du travail en 2023 », Dares, septembre 2024.

[2] « Périménopause (préménopause) : symptômes et contraception », ameli, 27/06/25.

[3] « Ménopause : définition, symptômes et diagnostic », ameli, 27/06/25.

[4] « La ménopause au travail », OpinionWay pour Astellas, juin 2025.

Le mot du pro

Dr Jalila Hadjaj, médecin gynécologue

Comment se définissent les étapes de la ménopause ?

La vie des femmes est orchestrée par les hormones qui sont produites par les glandes endocrines, dont l’ovaire qui produit les oestrogènes, la progestérone, et un peu de testostérone. Les ovaires cessent progressivement leur activité endocrine pour l’arrêter complètement lors de la ménopause.

Il y a 3 étapes : la pré-ménopause qui comprend des phénomènes physiques et psychologiques, avec la baisse de la progestérone, et la fluctuation des taux d’oestrogènes. Cela peut durer de 1 an à 8 ans et peut débuter à l’âge de 40 ans. La péri-ménopause est la période d’un an avant et un an après l’arrêt des règles. Et enfin, la ménopause débute à l’arrêt complet de la fonction ovarienne qui se traduit par une absence de règles. Elle est confirmée à un an sans règles, et elle dure jusqu’à la fin de la vie.

Quel est l’âge moyen de la péri-ménopause, et de la ménopause ?

La pré-ménopause peut apparaître dès l’âge de 40 ans. La femme peut alors commencer à être gênée par des bouffées de chaleur, des douleurs de sein, des sensations de gonflement, des troubles digestifs, des insomnies, des difficultés de concentration, des cycles irréguliers et hémorragiques.

En France, l’âge moyen de la ménopause est 51-52 ans, bien qu’il y ait exceptionnellement des femmes ayant encore des cycles à l’âge de 58 ans. Les symptômes liés à cette chute hormonale, autrement appelée « obsolescence ovarienne », sont d’importance variable en fonction des patientes : bouffées de chaleur, insomnies, les sueurs nocturnes, les vertiges, migraines, douleurs articulaires. Sur le plan psychique, il y a l’irritabilité, la fatigabilité et, dans les situations les plus sévère, du mal-être, de l’anxiété, des changements d’humeur, et cela peut aller jusqu’à la dépression.

Quelles sont alors les conséquences sur l’emploi ?

Avec toute cette symptomatologie possible, il y a la fatigabilité et avec elle, les difficultés d’attention et de concentration. Une moindre tolérance au stress, une humeur qui peut être déprimée ou dépressive amenant des difficultés dans le cadre du travail.

Quelles seraient les actions à mettre en place pour les accompagner ?

On peut mettre en place des salles de repos climatisées, des créations de nouveaux points d’eau, accès libre aux fenêtres/chauffage/climatisation. On peut envisager une flexibilité du temps de travail et, surtout, une sensibilisation pour éviter la stigmatisation, libérer la parole auprès d’une référente identifiée. Il faut de l’écoute, de la bienveillance et de l’information.