Cette disposition légale a vocation à s’appliquer en cas de résiliation d’un contrat d’assurance couvrant les risques décès, incapacité et invalidité. Il nous est apparu opportun de revenir sur ses modalités de mise en œuvre qui ne sont pas encore parfaitement claires : cette newsletter propose un état des lieux synthétique.
Genèse de l’article 7-1 de la loi Evin
La loi Evin renforce les garanties offertes aux salariés, notamment en matière d’incapacité, d’invalidité et de décès. Pour cela, elle impose différentes obligations aux organismes assureurs (mutuelles, sociétés d’assurance et institutions de prévoyance).
Parmi ces obligations, l’article 7 prévoit, en synthèse, que « la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution ». Autrement dit, l’organisme assureur dont le contrat a été résilié peut-être amené, entre autres, à maintenir le versement de prestations liées à une incapacité ou à une invalidité.
Toutefois, dans un arrêt « Jeanne Lanvin » du 22 mai 2001 (n° 98-17.935), la Cour de cassation a écarté le maintien de la garantie décès après la résiliation du contrat d’assurance. La Cour considère que la mort constitue, par nature, un nouveau risque. Ce dernier ne peut donc pas être une prestation immédiate ou différée au sens de l’article 7 précité. En conséquence, les ayants droit du salarié décédé à la suite d’une période d’incapacité ou d’invalidité se retrouvaient privés de prestations en cas de résiliation du contrat d’assurance.
Pour cette raison notamment, un article 7-1 a été inscrit dans la loi Evin. Il prévoit que « lorsque des assurés (…) sont garantis collectivement (…) dans le cadre d’un ou de plusieurs contrats (…) comportant la couverture des risques décès, incapacité de travail et invalidité, la couverture du risque décès doit inclure une clause de maintien de la garantie décès en cas d’incapacité de travail ou d’invalidité. La résiliation ou le non-renouvellement du ou des contrats (…) sont sans effet sur les prestations à naître au titre du maintien de garantie en cas de survenance du décès avant le terme de la période d’incapacité de travail ou d’invalidité telle que définie dans le contrat, la convention ou le bulletin d’adhésion couvrant le risque décès ».
En synthèse, l’organisme assureur résilié doit maintenir sa garantie en cas de survenance du décès d’un salarié avant le terme de sa période d’incapacité de travail ou d’invalidité.
La mise en œuvre pratique de cette disposition soulève plusieurs questions.
Applications jurisprudentielles
La Cour de cassation a pu apporter quelques réponses, particulièrement dans des décisions du :
- 11 décembre 2014 (n° 13-25.777) : un contrat couvrant les risques incapacité, invalidité et décès a été résilié avant qu’un autre soit conclu avec un second organisme assureur. Un salarié, qui se trouvait en incapacité de travail avant la résiliation du premier contrat, est décédé sous l’empire du second. L’organisme assureur résilié refuse de prendre en charge le décès qui n’est pas lié à l’incapacité dont était atteint le salarié. La Cour de cassation condamne cet organisme assureur au motif que le décès n’a pas à être consécutif à l’incapacité. La Cour semble aussi préciser que le maintien de garantie prévaut dès lors que l’incapacité est indemnisable, donc quand bien même elle n’est pas indemnisée par l’organisme assureur.
- 21 septembre 2023 (n° 21-22.197) : une société avait souscrit deux contrats auprès d’organismes assureurs distincts. L’un couvrait les risques incapacité/invalidité et l’autre le décès. Un salarié placé en incapacité avant la résiliation de ce dernier contrat est, par la suite, décédé. L’organisme assureur résilié estimait que le maintien de la garantie décès était subordonné à ce que l’un de ses contrats d’assurance couvre l’incapacité ou l’invalidité du salarié, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. La Cour de cassation a rejeté cette analyse en considérant que la garantie décès devait être maintenue dès lors que les risques incapacité et invalidité étaient couverts, peu important que cela soit par un autre organisme assureur.
Questions en suspens
La mise en œuvre du maintien de la garantie décès n’est pas encore totalement claire pour toutes les situations qui pourraient se rencontrer.
À titre d’exemple, l’organisme assureur résilié doit-il maintenir sa garantie décès lorsque le salarié est en incapacité au sens pathologique du terme ou au sens d’un contrat d’assurance ? Autrement dit, le maintien de garantie décès doit-il s’appliquer lorsque le salarié est en arrêt de travail mais n’est pas couvert par un contrat d’assurance en matière d’incapacité ?
Les juges du fond pourraient être amenés prochainement à se prononcer sur cette question en particulier.