Protéger les collaborateurs des incivilités externes

29 avril 2022

Protéger les collaborateurs des incivilités externes

 

PROTÉGER LES COLLABORATEURS DES INCIVILITÉS EXTERNES : COMMENT PRENDRE LE SUJET EN CHARGE ?

 

Violence verbale, dégradations de matériel… Les incivilités externes peuvent présenter des niveaux de gravité très variables. Il est cependant essentiel d’y prêter la plus grande attention afin de préserver le bien-être de ses collaborateurs. Corinne Van de Weerdt, Responsable d’Études au sein du département « Homme au travail » de l’INRS précise les contours de ces incivilités et les moyens de les prévenir ou prendre en charge.

 


Incivilités extérieures : savoir les identifier

 

Les incivilités externes sont une forme de violence au travail. Condescendance, impolitesse, menaces, insultes, gestes agressifs, dégradations matérielles… « Dans le comportement physique ou verbal, plusieurs niveaux de gravité existent mais le point commun est le manque de respect des personnes, du matériel ou de l’environnement », explique Corinne Van de Weerdt. « Considérer les incivilités comme banales peut être une passerelle pour d’autres formes de violence plus importantes. »

Chez les salariés, ces situations sont source de stress, voire de mal-être.

Quatre catégories de symptômes peuvent aider à identifier le problème :

> Symptômes physiques (maux de tête, de ventre, fatigue) ;
> Symptômes émotionnels (larmes, crise de nerfs, repli sur soi, agitation) ;
> Symptômes cognitifs (oublis, manque de prise d’initiative) ;
> Symptômes comportementaux (prise de médicaments…).


Des incivilités régulières à prendre en compte

 

Prendre la mesure de ces événements est crucial pour protéger ses collaborateurs, alors même que les incivilités ont tendance à s’installer dans les organismes français. Selon l’enquête Sumer (1) réalisée en 2017, 46,6 % des salariés du secteur privé déclaraient connaître un contact tendu avec le public, même occasionnellement. Le chiffre atteignait 63,6 % pour les salariés de la fonction publique d’État. Une autre enquête (2) réalisée en 2019, sur les conditions de travail et la santé au travail, souligne que 15 % des salariés ont été victimes d’au moins une agression (physique, verbale ou sexuelle) de la part du public au cours des 12 derniers mois – le chiffre atteignait 31 % pour les hommes qualifiés, 25 % pour les femmes des professions intermédiaires. « Un acte isolé peut être mal vécu par le salarié, mais le stress ou mal-être peut aussi naître de l’accumulation de incivilités. Ou de leur durée », souligne Corinne Van de Weerdt. La réaction peut être immédiate ou différée. Agir rapidement est donc essentiel pour accompagner au mieux les collaborateurs. En ce sens, l’incivilité doit être envisagée au même titre que la violence au travail, car elle lui est étroitement liée.

 

Mise en place d’un protocole : reconnaître et sensibiliser

La première étape est de reconnaître l’incivilité sur le lieu de travail afin de légitimer le mal-être de la personne visée. Si l’incivilité externe a longtemps été sous-estimée, les employeurs considèrent aujourd’hui qu’elle est anormale et doit être dénoncée. Une reconnaissance indispensable pour éviter le sentiment d’incompréhension, qui ne ferait qu’amplifier l’impact psychologique. Pour cela, les managers doivent être sensibilisés à la question des incivilités externes. À la clé, une attention accrue et une meilleure capacité à identifier les différents symptômes consécutifs à un épisode de cet ordre.

Plus généralement, un appel à la communication doit être lancé afin de libérer la parole : auprès des collègues, des managers, représentants du personnel, responsables des ressources humaines ou services de santé.

Pour simplifier la remontée des informations et veiller à l’efficacité des actions mises en place, des référents chargés de suivre les incivilités externes peuvent être désignés au sein du personnel.

 

Faire suivre les incivilités

Les collaborateurs doivent ainsi être entendus au plus tôt et tout particulièrement par leurs responsables. « Il est par exemple intéressant de mettre en place un cahier d’incidents. Cela permet de tracer les incivilités, mais aussi d’affirmer l’anormalité de ces actes qui portent atteinte à la dignité », explique Corinne Van de Weerdt. Ce suivi est d’autant plus important qu’il permet d’identifier des problèmes récurrents dans certains services ou à certains postes spécifiques et d’agir en conséquence au sein de l’organisme.

 

Mettre en place des actions adaptées

L’instauration de mesures concrètes est nécessaire pour limiter et prévenir les incivilités externes subies par les collaborateurs. La formation des équipes à la prise en charge des publics est pertinente, car elle établit clairement la dimension relationnelle comme faisant partie intégrante du poste. Des réunions consacrées à cette problématique sont aussi utiles pour réfléchir collectivement à des pistes d’amélioration et de protection. Mieux préparés, les salariés seront mieux armés pour réagir face aux propos et gestes d’incivilité.

Repenser l’environnement de travail est un autre levier d’action. « Instaurer une file d’attente pour clarifier l’ordre des demandes, renforcer la signalétique avec des panneaux en plusieurs langues pour donner des informations sur le fonctionnement du lieu, compartimenter les zones d’accueil pour préserver la confidentialité… Ces changements peuvent limiter l’impatience et la frustration des publics » détaille Corine Van de Weerdt.

Les mesures sont à définir selon les organismes et leurs activités. Certaines structures feront le choix de mettre en place un service de sécurité, de créer des zones distinctes et isolées pour accueillir les publics ou tout au contraire, d’ouvrir les espaces (parois vitrées, salles d’attente) pour informer de façon transparente. En tous les cas, des réunions dédiées aux conditions de travail permettront d’identifier les meilleures solutions d’organisation. Cette démarche de prévention intégrée et globale (managériale, organisationnelle, comportementale et matérielle) aura le plus de résultats.

 

Se protéger des nouvelles formes d’incivilité

Le contexte sanitaire, social et économique génère un stress qui peut s’illustrer à travers des formes d’incivilités physiques ou verbales plus graves et fréquentes. Pour les salariés, le risque est de relever leur seuil d’acceptation des incivilités au regard de la situation actuelle, particulièrement anxiogène. Or, cela n’est pas acceptable car les conséquences sont réelles pour les victimes.


L’incivilité numérique
se développe également. La communication écrite peut donner lieu à de nouvelles formes d’incivilités, sur les réseaux sociaux en particulier. « L’instantanéité des échanges ouvre la voie à l’agressivité. Il existe une contagion émotionnelle sur les réseaux sociaux, qui amplifie les dérives et de ce fait, l’impact sur les personnes qui en sont victimes », résume Corinne Van de Weerdt. Pour les employeurs, le défi à relever est double. Il consiste, d’une part, à reconnaître les multiples formes d’incivilités externes et, d’autre part, à considérer la dimension émotionnelle du travail.

 

 

(1) « Les expositions aux risques professionnels dans la fonction publique et le secteur privé en 2017 », enquête Sumer, Synthèse Stat’, 2017.

(2) Chiffres clés sur les conditions de travail et la santé au travail, enquête Sumer, Dares, Direction générale du travail, Santé Publique France, 2019