Comprendre les addictions

10 janvier 2024

Dépendance, enjeux de la recherche : mieux comprendre les addictions

Tabac, drogues, médicaments, alcool, comportements… Les addictions prennent de nombreuses formes et constituent un problème de santé publique majeur qui touche des millions de personnes à travers le monde.

Comment caractériser une addiction ? Peut-on expliquer la dépendance ? Quels sont les enjeux de la recherche ? Décryptage.

Qu’est-ce qu’une addiction ?

Une addiction est un trouble du comportement, qui concerne une substance ou une activité, et qui se caractérise par l’impossibilité à s’abstenir ou se modérer, malgré la conscience des conséquences négatives sur la santé, le bien-être ou la vie sociale. On peut distinguer deux grandes familles d’addictions : Les addictions avec substance (comme l’alcool, le tabac, le cannabis, les opiacés, etc.) et les addictions sans substance (telles que le jeu, le sexe, les écrans, le sport, les achats…).

Les addictions, avec ou sans substance, produisent des
effets caractéristiques, tels que :

  • L’accoutumance : La personne s’habitue progressivement et doit augmenter les doses ou la fréquence d’un comportement pour obtenir le même plaisir.
  • Le manque ou le sevrage : Il s’agit du mal-être physique ou psychologique qui apparaît lorsque la consommation ou la pratique addictive est réduite ou interrompue.
  • La perte de contrôle : L’addiction se traduit par une envie irrésistible et persistante de se livrer à la pratique addictive, ce qui entraîne de grandes difficultés, voire une incapacité, à s’arrêter, même si l’on a conscience de ses effets négatifs.

Conséquences et facteurs de risque

Les conséquences d’une addiction sont variées. D’un point de vue physique, la consommation de certaines substances nuit à l’organisme, entrainant des maladies, des
overdoses, des comas. La santé mentale est aussi affectée, avec des troubles de l’humeur, de l’anxiété, du sommeil, de la mémoire, de la concentration… D’un point de vue social, l’addiction peut entraîner des difficultés relationnelles, avec une rupture des liens familiaux, un repli sur soi, ou encore, la perte d’un travail et la déscolarisation.

Sommes-nous tous égaux face aux addictions ? Les études montrent que certains paramètres peuvent favoriser une consommation ou en aggraver les dommages. Les hommes sont davantage concernés par les pratiques addictives que les femmes. Les individus réagissent différemment selon leur vulnérabilité génétique à l’addiction et leur fragilité psychique/psychologique.

L’environnement influence aussi la consommation, par exemple, quand les personnes de l’entourage sont dépendantes ou quand le produit en question est licite et répandu, comme l’alcool et le tabac. La vulnérabilité dépend également des étapes de vie. La période de 15 à 25 ans est propice à l’émergence d’une addiction, sachant que l’usage précoce de certaines substances favorise l’installation d’une dépendance par la suite. Enfin, les substances ne présentent pas toutes le même pouvoir addictif ni la même vitesse d’installation de la dépendance. Ainsi, les dépendances au tabac, à l’héroïne et à la cocaïne peuvent se développer en quelques semaines, alors que celle à l’alcool est beaucoup plus lente.

En chiffres

La France se situe au premier rang européen pour la consommation d’alcool, au quatrième rang pour le tabac et au cinquième rang pour le cannabis¹.

1. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Les enjeux de la recherche

Les études cherchent notamment à comprendre pourquoi, face à un même produit, certaines personnes deviennent dépendantes et d’autres pas. D’un point de vue génétique, les chercheurs ont déjà découvert que certains gènes semblent associés à un risque de développer une dépendance aux substances psychotropes, et que d’autres gènes seraient plus spécifiquement impliqués dans la dépendance au tabac. Les recherches actuelles s’orientent également sur les liens entre addictions et neurobiologie, autrement dit pourquoi certaines vulnérabilités neurobiologiques favorisent le développement d’addictions et, à l’inverse, comment certaines addictions facilitent l’apparition de troubles psychiatriques.

Par ailleurs, des équipes s’intéressent aux modifications produites dans le cerveau au cours
du temps, étudiant en particulier les circuits neuronaux et les protéines en jeu dans les processus d’addiction. Le second axe de recherche concerne la prise en charge thérapeutique. Plusieurs médicaments sont à l’étude à travers le monde, avec parfois des approches innovantes comme les vaccins contre certaines addictions. Des approches non médicamenteuses sont aussi à étude, en particulier la stimulation cérébrale (via des
électrodes ou un champ magnétique) afin de réduire le sentiment d’envie irrésistible de se livrer à la pratique addictive.

Zoom sur : Les substances licites¹

Les substances psychoactives les plus consommées en France sont l’alcool et le tabac. En 2020, un quart des adultes fumaient tous les jours et 10 % buvaient quotidiennement de l’alcool. On estime que le tabac est responsable de plus de 75 000 décès par an, 41 000 pour l’alcool.

1. L’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT).

Comment lutter contre les addictions ?

 

La prévention

Les actions de prévention sont utiles à plusieurs niveaux. D’abord, pour informer l’ensemble de la population, la sensibiliser et l’éduquer sur les risques des pratiques addictives. Ensuite, pour détecter des signes précoces de pratiques addictives et être capable d’accompagner ces personnes afin de prévenir l’aggravation des troubles. Enfin, la prévention peut aussi s’attacher à réduire les facteurs de risque, par exemple, en travaillant l’estime de soi ou en offrant de bonnes conditions de travail.

La prise de conscience

Les addictions s’installent généralement progressivement. Aussi est-il parfois difficile de reconnaitre une pratique addictive. Différents outils et tests existent pour aider à identifier une consommation ou un comportement relevant de l’addiction. Lorsque cette prise de conscience est effectuée, il est important de rencontrer un professionnel en addictologie qui va pouvoir évaluer la situation et élaborer un dispositif pour le sevrage.

La prise en charge psychologique

La psychothérapie, individuelle ou collective, est souvent recommandée pour sortir d’une addiction. Elle peut durer plusieurs mois ou années. Son succès dépend notamment
de la motivation de la personne suivie. La psychothérapie va permettre d’analyser les pensées et les comportements liés à l’addiction, mais aussi de développer des stratégies et des ressources pour modifier ses consommations et ses pratiques.

La prise en charge médicamenteuse

Les médicaments peuvent aider à dépasser les malaises physiques et psychologiques liés au sevrage. Le plus connu est le traitement de substitution nicotinique pour l’arrêt du tabac, qui permet d’apporter de la nicotine au corps, et ainsi, de réduire les symptômes de manque dus au sevrage tabagique. L’idée est d’éviter les effets physiques du manque pour permettre à la personne d’arrêter ou de diminuer la consommation de tabac, tout en traitant en parallèle la partie comportementale de l’addiction. La durée des traitements médicamenteux peut varier de plusieurs semaines à plusieurs mois, voire années dans le cas du sevrage alcoolique.

Le mot du médecin

Dr. François COLLOMP Médecin généraliste spécialisé en addictologie à l’EPSM Georges Daumezon depuis 2006, et Responsable de l’unité d’hospitalisation de jour et à temps complet.

À partir de quand peut-on parler d’addiction ?

« On peut déjà se poser la question si on est resté raisonnable ou pas. Une définition simple de la dépendance qui tienne en une phrase c’est « la perte de la liberté de s’abstenir ». Quand dans certaines situations on n’arrive pas à faire autrement, cela sous-entend une notion de perte de contrôle. Tous ne deviennent pas addicts, c’est l’accumulation de facteurs de vulnérabilité associés à des évènements de vie qui font basculer dans la dépendance.

Est-il possible de devenir « addict » sans consommer de produits (alcool, le tabac, cannabis…) ?

Oui, tout à fait, on appelle ça les addictions comportementales, ou sans produit. On peut être addict à la nourriture (boulimie) ou à son absence (anorexie), au sport, aux jeux vidéo, au sexe et même au travail (le workaholisme). Tout est une question de limites. Avec les addictions sans produit, on devient dépendant à la récompense, à la sensation et il en faut toujours plus…

Quand on pense aux addictions, on pense à la souffrance que cela peut produire. Mais si on prend par exemple le cas de l’alcool, est-ce qu’il n’y a que la souffrance en jeu ?

Ce n’est pas tant une question de souffrance que de soulagement de celle-ci. Et il y a 2 types de déclencheurs à la consommation : les déclencheurs positifs (pour faire comme les autres, soirées, fêtes…) et négatifs (déprime, anxiété…). Donc il n’y a pas que la souffrance qui est en jeu, il y a aussi le plaisir et la façon dont on se l’autorise. »

Entretien de Sébastien VAUMORON, Responsable prévention Collecteam

 

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