Démotivation soudaine, absence prolongée sans justification, disparition totale du jour au lendemain… Pour les employeurs, les absences injustifiées et les abandons de poste représentent un véritable casse-tête. Entre les obligations légales et le maintien du bon fonctionnement de l’équipe, la marge de manœuvre est étroite. Quels sont les bons réflexes à adopter pour sécuriser juridiquement la situation tout en préservant la dynamique collective ?
Absences injustifiées, abandons de poste, de quoi s’agit-il ?
Une absence injustifiée est une absence sans autorisation préalable ni justification valable (congés, arrêts de travail…). L’abandon de poste est une forme d’absence injustifiée : le salarié quitte son poste volontairement, sans prévenir, sans motif apparent et ne revient pas.
Jusqu’en 2023, les employeurs engageaient une procédure de licenciement pour faute grave en cas d’abandon de poste. Depuis 2023, le décret d’application de la loi « marché du travail » a introduit une nouvelle règle. Désormais une présomption de démission s’applique, sous certaines conditions :
- laisser au collaborateur un délai de 48 heures[1] pour se manifester ;
- puis le mettre en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception (ou remise en mains propres contre décharge) de justifier son absence ou de reprendre son poste dans un délai de maximum 15 jours calendaires ;
- s’être assuré que le salarié n’a pas de motif légitime pour justifier son absence (droit de retrait, droit de grève, raisons médicales…)[2].
Sans retour à l’issue de ce délai, le salarié est présumé démissionnaire. Attention à ne pas agir dans la précipitation et à respecter le cadre légal. Une absence injustifiée ne doit jamais être interprétée comme une démission sans respecter la procédure. En cas de litige, le juge pourra requalifier la rupture en licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse.
Les leviers pour limiter les absences injustifiées
Si le traitement juridique des absences injustifiées et des abandons de poste est essentiel, leur prévention repose d’abord sur une politique RH proactive. Certaines absences injustifiées peuvent en effet traduire un malaise plus profond : manque de reconnaissance, épuisement, conflit non résolu, désengagement progressif… L’entreprise peut donc agir en amont pour éviter ces situations à risque et limiter le nombre d’absences injustifiées.
Créer un cadre de travail clair et sécurisant
Une communication sur les règles d’absence est essentielle pour clarifier le cadre de travail. Le règlement intérieur ou une note RH peut ainsi préciser les modalités d’absence ainsi que les démarches à suivre (qui prévenir, comment, dans quels délais). Ces précisions peuvent être abordées dès l’onboarding, à l’oral comme à l’écrit, afin de s’assurer que chacun dispose du même niveau d’information.
Instaurer une culture managériale attentive
Les managers sont souvent en première ligne dans la détection des signaux faibles. Un salarié démotivé, en retrait ou en conflit avec quelqu’un de son équipe est plus susceptible de « décrocher » et de disparaître sans préavis.
D’où l’intérêt de former les managers à l’écoute active, à la communication bienveillante, à l’identification des risques psychosociaux (RPS) et à la tenue d’entretiens réguliers de suivi. Ces points de contact permettent d’ajuster la charge de travail, d’anticiper les tensions ou de réengager un collaborateur en perte de repères.
Identifier les zones de tension organisationnelles
Des absences fréquentes ou des abandons de poste récurrents dans une équipe ne sont jamais anodins. Ils doivent alerter les RH sur un problème plus large : surcharge de travail, manque d’autonomie, déséquilibre vie pro/vie perso, management dysfonctionnel…
Des baromètres internes ou enquêtes anonymes permettent de mesurer le ressenti des collaborateurs et de détecter les zones à risque. L’objectif : comprendre d’où vient le problème afin de pouvoir agir en conséquence.
Proposer des alternatives souples à la rupture lorsque nécessaire
Lorsqu’un salarié traverse une période difficile, il peut être tenté de « fuir » sans oser demander de l’aide. Lui offrir des alternatives souples, comme une adaptation temporaire du poste, une mise en télétravail, un congé exceptionnel, ou encore le mettre en contact avec les services de santé au travail peut désamorcer une situation de rupture.
Cela suppose une culture d’entreprise ouverte à la discussion, sans jugement ni sanction immédiate. Plusieurs interlocuteurs peuvent être sollicités avant qu’une situation ne s’aggrave, comme les membres du comité social et économique (CSE), les référents harcèlement, ou encore les équipes RH. Il est également possible de créer un espace confidentiel (boîte mail dédiée, ligne RH, interlocuteur neutre) pour permettre aux collaborateurs de signaler une situation difficile avant qu’elle ne se détériore.
Renforcer l’accompagnement individuel
Enfin, un suivi individualisé des situations à risque s’avère souvent efficace. En cas de premières absences non justifiées, il est essentiel de convoquer rapidement le collaborateur pour un entretien, centré sur l’écoute des causes et la recherche de solutions.
Cet entretien peut être mené par le manager, les RH ou même un tiers (service de santé au travail, psychologue du travail). Il doit à la fois rappeler les règles, mais aussi proposer un cadre de soutien (accompagnement psychologique, médiation…).
[1] La convention collective peut prévoir un délai différent.
[2] Caroline Audenaert Filliol, « Abandon de poste : la présomption de démission établie par la loi », juritravail, 13/05/25.
La gestion des absences injustifiées et des abandons de poste implique ainsi une politique RH bienveillante et rigoureuse, où la prévention prime sur la sanction. Former les managers, instaurer le dialogue, adapter les organisations : autant de leviers concrets pour renforcer l’engagement des collaborateurs et réduire les ruptures brutales de contrat.