Lorsqu’un salarié est confronté à un cancer, ce n’est pas seulement sa santé physique qui est mise à l’épreuve. Sa santé mentale, sa relation avec les autres et avec son travail… Son identité et son rapport au monde sont chamboulés. Pour les entreprises, ces situations posent de nombreuses questions : quel est le juste milieu d’accompagnement à proposer par l’employeur, entre présence bienveillante et respect de l’intimité ? Quels dispositifs solidaires peuvent être mobilisés ? Éléments de réponse.
42 % des actifs connaissent au moins un salarié atteint d’un cancer au sein de leur entreprise[1].
Un chiffre qui rappelle que cette maladie fait partie du quotidien professionnel, même si elle reste encore souvent aujourd’hui silencieuse. Plus de la moitié des actifs ayant eu un cancer estime ainsi que révéler sa maladie est un moment difficile selon Cancer@Work[1]. Entre crainte d’être mis à l’écart, peur d’être perçu différemment et difficulté à parler de soi de façon aussi intime, les collaborateurs concernés peuvent préférer taire leur situation ou n’en révéler qu’une partie.
Pourtant, lorsqu’elle est connue, la maladie peut être prise en compte par l’employeur, qui a alors la possibilité d’alléger le quotidien du salarié concerné – souvent rythmé par les rendez-vous médicaux, les trajets contraignants et une fatigue croissante. L’entreprise a ainsi un rôle clé à jouer afin de permettre, autant que possible, un maintien en emploi compatible avec la maladie. Le Code du travail impose par ailleurs aux employeurs de préserver la santé de leurs collaborateurs, ce qui inclut la prise en compte des pathologies graves ou chroniques. Aménagements de poste, temps partiel thérapeutique, télétravail, reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH)… Différents leviers peuvent être mobilisés afin d’adapter les conditions de travail.
Dans ce contexte, la médecine du travail est un interlocuteur privilégié pour accompagner le maintien en emploi, mais les RH et les managers jouent eux aussi un rôle tout aussi essentiel. Ensemble, ils peuvent proposer des aménagements adaptés et créer un environnement d’écoute et de soutien au quotidien.
Aménager les conditions de travail
Un des premiers leviers pour accompagner un collaborateur touché par la maladie : l’aménagement de son rythme et de ses conditions de travail. Horaires allégés, flexibilité sur les temps de présence, possibilité de télétravail, accès facilité aux locaux avec une aide pour les transports… Ces ajustements permettent d’éviter une fatigue supplémentaire, favorisant le maintien en activité lorsque celui-ci est souhaité.
Soutenir sans surprotéger
À vouloir protéger un collaborateur malade, on risque parfois de l’exclure involontairement de la vie professionnelle. Attention donc à ne pas le décharger totalement de ses responsabilités, mais à trouver un juste milieu, dans la mesure de ses capacités. Proposer une charge de travail adaptée, valoriser les compétences et favoriser l’autonomie reste essentiel pour préserver l’estime de soi et la dynamique professionnelle lorsque le salarié n’est pas en arrêt.
Préserver le lien, sans pression ni intrusion
Si le collaborateur est en arrêt, le maintien d’un lien discret et respectueux peut être réconfortant. Des nouvelles régulières de ses collègues, un mot de soutien ponctuel… Ces contacts lui permettent de garder un pied dans le monde du travail et de se sentir toujours intégré à l’équipe. L’essentiel est de s’adapter à son rythme, en étant attentif aux signaux qu’il envoie : certains souhaitent rester informés, d’autres préfèrent prendre de la distance. Le contact doit toujours être proposé, jamais imposé.
Faire vivre la solidarité dans les équipes
La solidarité ne relève pas uniquement de dispositifs formels : elle s’incarne aussi au sein du collectif, dans les interactions du quotidien, et peut être favorisée par l’encadrement. Lorsque le collaborateur a choisi de partager sa situation avec ses collègues, ces derniers peuvent, dans un climat de confiance, s’organiser pour lui témoigner leur soutien : proposer une aide ponctuelle, prendre des nouvelles ou simplement faire sentir qu’on pense à lui. Ces gestes simples, lorsqu’ils sont encouragés et valorisés, contribuent à nourrir une culture d’entraide durable. En plus d’accompagner concrètement le salarié concerné, ils renforcent la cohésion du groupe, cultivent l’engagement et donnent du sens au travail collectif.
Dans ce contexte, les managers ont un rôle clé : ils contribuent à sensibiliser et informer les équipes, afin de combattre les idées reçues et lever certaines appréhensions. La transparence est également essentielle. Lorsque des mesures d’adaptation sont mises en place pour un collaborateur touché par un cancer, il est important que les autres membres de l’équipe en soient informés, afin d’éviter les malentendus.
Accompagner et sécuriser le retour en entreprise
Un quart des actifs touchés par un cancer ayant été en arrêt maladie ont le sentiment de ne pas avoir retrouvé leur place à leur retour, selon le baromètre Cancer@Work[1]. Ce résultat souligne la complexité d’une étape décisive : la reprise du travail, après une absence pour raison de santé. Elle nécessite un accompagnement attentif et personnalisé. Au-delà des démarches médicales, comme la visite de pré-reprise avec la médecine du travail ou la mise en place d’un temps partiel thérapeutique, l’enjeu est aussi humain : recréer une dynamique, redonner confiance.
Un entretien en amont du retour, un échange avec les RH ou le manager, une reprise progressive des missions peuvent contribuer à sécuriser cette étape. Le collaborateur peut avoir des appréhensions, craindre de ne plus être perçu comme avant, de ne plus être à la hauteur ou d’avoir été remplacé. Le rôle de l’entreprise est alors d’éviter les non-dits, de clarifier les attentes, de faire preuve de souplesse. Et surtout, de rassurer le collaborateur, en lui faisant comprendre qu’une phase d’adaptation sera nécessaire, comme pour tout retour après un arrêt de longue durée.
65 % des actifs affirment que leur entreprise devrait davantage accompagner les salariés touchés par le cancer[1].
Une proportion qui illustre l’attente forte d’un meilleur accompagnement. En plaçant la solidarité au cœur de leur culture et en formalisant des dispositifs de soutien concrets, elles peuvent faire la différence. Pour créer un environnement où chaque collaborateur, même face à l’épreuve de la maladie, se sent reconnu, intégré et légitime dans l’entreprise.
[1] « Cancer, maladies chroniques et travail, 5e édition baromètre 2024 », Cancer@Work